Freitag, 7. November 2014

Festvival des Templiers (par Patrick Badie)

                                                        Millau en ce mois d’octobre 2014
Jasmin et Les Templiers
Viaduc de Millau
A moins d’être journaliste, la plupart du temps ce sont les concurrents d’une épreuve sportive qui font le résumé de leur course.
Par l’écrit, ils expriment ce qu’ils ont vu ou ce qu’ils ont ressentis; à l’image des excellents récits de Virginie GOVIGNON et de Aliza LAPIERRE concernant le trail des templiers. Acceptez pour cette fois que ce soit  un spectateur, emprunt de l’ambiance toute particulière d’un des plus beaux trails de France qui le fasse.
Team Europe à la conférence de presse
Il y a des réunions sportives qui sortent de la norme. Il existe dans le beau département de l’Aveyron une épreuve qui procure à la fois la satisfaction de l’accomplissement d’un effort physique singulier et le bonheur des rencontres. Vous savez, celles qui remplacent les livres. C’est le trail des Templiers. Il rassemble une grande partie des adeptes du genre et ce dans tous les sens. Le trail, cette nouvelle épreuve qui fait évoluer notre regard sur le monde de la course à pied. Son sens et son statut diffèrent par rapport aux autres courses. Nous sortons ici des sentiers battus de la compétition. Le premier adversaire ? C’est soi-même.
Conférence de presse
J’ai suivi une athlète qui représente bien cette idée de défi physique dans lequel se sont engouffrés tous les concurrents présents au Festival des Templiers.
C’est Jasmin Nunige.
 Elle nous vient de Suisse, de ce coin splendide qu’est le canton des Grisons. Elle a participé à l’épreuve du « Grand Trail des Templiers » long de plus de 73 kilomètres avec 3600 mètres de dénivelé. Elle a des références dans le milieu de la course à pied cette grande dame. Parce que ç’en est une. Cinq fois première au Swiss-Alpine, 2h39’00 au marathon de Berlin en 2013 pour ne citer que ces résultats. Elle faisait partie du team Europe engagé dans cette course face aux teams France et USA… et à tous les autres concurrents venus de loin.
Millau "Capitale Mondiale du Trail"
Vu ses références, au printemps dernier elle avait été sélectionnée dans l’équipe suisse pour le championnat d’Europe de marathon couru le 16 août dernier à Zurich.  Puis l’organisation du « Festival des Templiers »  lui proposa une place dans le team Europe pour faire face au team France et au team USA qui devait se dérouler le 26 octobre. L’organisation de cette belle épreuve avait invité du beau monde. Alors Jasmin s’entraînait « dur » comme à son habitude et comme savent le faire tous les athlètes de haut niveau. Mais en juin, des sensations très désagréables et inhabituelles se faisaient ressentir. Des sensations qui ne correspondaient pas à une fatigue musculaire classique et logique issue d’un entrainement intensif et poussé.
Elle alla consulter. Début juillet, le verdict tomba. Elle faisait une poussée de sclérose en plaques.
Son entrainement s’en trouvait ainsi fortement perturbé et impossible à poursuivre pour bien figurer au marathon. Ses muscles n’acceptaient plus les allures de vitesse. Aussi, le projet de compétition fixé au 16 août tombait à l’eau, et l’invitation au trail des Templiers devenait incertaine. La priorité était fixée sur la santé.
Le Team Europe étudie le parcours
Septembre fut propice à une reprise en douceur pour questionner son corps. Début octobre elle déclara : « mes jambes reviennent !» Je vous laisse imaginer les effets de cette bonne nouvelle dans son esprit.
 Au fur et à mesure que les semaines passaient sa forme revenait ‘’vers la normale’’. Le déplacement sur Millau se précisait et la décision fut prise au dernier moment pour honorer l’invitation. Elle n’était pas sans risque.  Même si les conseils d’entrainement préconisent des sorties longues voir très longues pour ce type d’épreuve, on ne s’entraine pas sur des distances de plus de 73 kilomètres avec un tel dénivelé pour voir « si cela va le faire ». Il y avait de l’inconnu dans cette décision. Physiquement le trail long fait appel à des qualités physiques que l’on ne retrouve pas dans tous les sports. 

tout est prêt à quelques heures du départ 
C’est ainsi que Jasmine découvrait alors cette partie de France à travers Millau. Le site l’interpella par sa beauté. Venant du canton des Grisons ce n’est pas peu dire…
 Elle découvrait aussi la différence de perception sur la notion de ponctualité qui existe entre la France et la Suisse. Ces deux nations ne possèdent visiblement pas la même horlogerie. On avait oublié d’avertir Jasmin que le « peut-être » et le décalage (des) horaire (s) prévus faisaient partie des surprises de l’organisation et que cela faisait aussi partie du charme de cette manifestation. Phase humour.
Derniers préparatifs
 Elle souligna également cet accueil chaleureux,  sans faille, de l’organisation et des bénévoles, reconnu par tous les teams invités et devina l’énorme travail effectué pour ce festival. Cela mis à l’ajout du cadre, des contacts retrouvés, des rencontres avec les autres athlètes sur lesquels elle pouvait mettre un visage sur leur nom et de la météo exceptionnelle, faisait pressentir une journée à souvenirs. L’indicateur d’ambiance était calé. Le but des grands projets n’est-il pas de se fabriquer des souvenirs ?
un moment magique le départ
 Et nous voici projetés en ce dimanche 26 octobre. Maintenant l’histoire se construit. Nous sommes dans les moments qui précèdent les grandes épreuves, dans un enthousiasme communicatif. Jasmin, qui a grande habitude, procède aux derniers contrôles et réglages de son équipement. Elle salue par quelques gestes discrets les autres athlètes. Les mots « chance » et « courage » se font entendre non seulement dans la langue de Molière mais aussi dans celle de Shakespeare. Les présentations des teams invités s’effectuent. Tout le monde se place derrière la ligne. La sérénité apparente cache une certaine nervosité. C’est la perspective de la journée qui le veut. Les 2900 traileurs forment un bloc compact. Ils sont prisonniers de leur décision et de leur bonheur. Les contacts sont serrés. Il est « presque » 5H15. Millau s’éveille et nous n’avons pas sommeil. Il fait encore nuit. Mais le jour se rêve. Gilles Bertrand, l’organisateur, leur adresse quelques mots qui fait fondre. Les frontales s’allument. Ils sont là tels des mineurs nos traileurs. Nous sommes dans l’instant d’avant. C’est énorme. Ils sont sur le point de monter sur Les Causses. On leur avait dit : si tu vas à Millau n’oublie pas de grimper là –haut. Nous n’apercevons plus Jasmin. Un fond musical qui colle bien à l’évènement est enclenché sur un air d’ERA (Ameno). Jasmin et les 2899 autres participants sont sous les feux de la rampe, éclairés par des torches rouges. Le compte à rebours a débuté. Non, nous ne sommes pas à Cap Canavéral mais à Millau. Zéro est prononcé. Ils vont de l’avant. L’image est belle. Nous sommes comme dans une nouvelle alphabétisation du bonheur.
1er ravitaillement
 J’accompagne Guy son mari qui assure son ravitaillement. Nous voici au premier rendez-vous (nocturne) de cette épreuve, à la croisée d’un chemin qui borde la départementale 110. Les premiers concurrents passent. Cela va vite. Nous avons l’impression d’assister à un cross de nuit. Le spectacle des frontales venues de la nuit sans lune est incroyable. Arrivent les premières féminines. Jamin figure dans les toutes premières…Mais ce n’est que le début. Nous savons que le prélude au classement se fera entre La Roque Sainte Marguerite et Massebiau pour se « caler » puis entre Massebiau et Le Cade, C’est à dire entre les kilomètres 41 et 62.
 Le premier ravitaillement se fait à Peyreleau (km 21). Les concurrents de tête arrivent déjà au compte goute. Les premières filles passent. Jasmin a perdu quelques places. Mais rien n’est dessiné.
 Puis rendez-vous est donné à Saint André de Vézines (km 32). La course s’essaime de plus en plus. Dû aux différences de niveau et de gestion de course. Le passage de Jasmin est rapide. Elle n’a pas le temps d’exprimer ce qu’elle ressent que ce soit sur le plan purement sportif ou sur le plan santé.


Jasmin en 6ème position
 Nous repartons. Quelques kilomètres plus loin nous la doublons de façon fortuite et furtive sur le bord d’une route dont la portion figure sur le tracé et a le temps de nous dire qu‘elle a mal…La nouvelle n’est pas bonne.
 Le rendez-vous de Pierrefiche est manqué. Cela s’ajoute à l’inquiétude. Dans certains moments difficiles la présence du soutien est importante. Notre présence aurait pu avoir un écho sur son moral.
 Alors nous l’attendons juste après Massebiau (km 62). Là où il est prévu un ravitaillement en eau. Nous voyons passer les premiers concurrents sur le début de la côte qui les amènera au Cade. Nous apercevons d’abord Zach Miller puis moins de trois minutes après, Benoit Cori suivi de Sylvain Court. Ce classement allait évoluer. Arrivent alors les autres traileurs de façon diffuse avec en toile de fond le viaduc de Millau.  Cette côte est très prononcée. Les coureurs ont pratiquement le nez sur le sol. Ils courent penchés. Aux Templiers, il faut savoir courir un peu pliés. Dans cette ambiance particulière, il ne faut pas oublier d’évoquer un son. Celui du souffle des traileurs. Le souffle de la vie. Ceux qui ne parlent pas la langue de Molière n’ont pas vraiment situé le lieu du ravitaillement en eau au pied de la fameuse côte et l’angoisse se lit sur leurs visages. Les filles passent. Jasmin se fait attendre. Ce n’est pas bon signe. Les chiffres du chronomètre défilent.
Massebiau Km 62
 Elle arrive enfin. Elle sourit en nous voyant. Elle cherche du confort dans l’inconfort. Cela ne cache pas une certaine lassitude. Son corps a subi. Elle marche. En compétition ce n’est pas son habitude. Nous sommes dans le monde du courage toute proportion gardée. Alors loin de tout le vocabulaire de l’athlétisme (VO2 max, seuil, alternance d’allure, 30X30) ou autres considérations qui précèdent une compétition. Nous sommes dans l’humain.  Nous sommes dans le programme du jour : inspirer, expirer, inspirer, expirer. C’est le trail des Templiers. Et nous sommes respectueux de tous ceux qui nous montrent cette idée de l’effort.
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 Nous partons alors sur l’aire d’arrivée. Je me place à un kilomètre en amont. Les coureurs passent de façon esseulée. Les attentes sont toujours longues. Les minutes défilent et les filles aussi. Dix sont déjà passées. J’aperçois Jasmin. Elle est onzième. Elle est talonnée par Virginie GOVIGNON mais tiendra sa place. Sa main gauche est en sang et son  épaule droite écorchée. Elle est tombée. Sur ce genre de parcours long  avec un sol exigeant le risque de chute est important, surtout sur le final parce que la lucidité est mise à l’épreuve.
dans le dernier Km
 Je tente de la suivre avec tout mon matériel d’ascenseur de souvenirs (matériel photo). Je risque de tomber en faisant cela. C’est alors qu’elle me dit (après 73 kilomètres de course) : Tu sais tu n’as pas le droit de me suivre. C’est Jasmin.
 Je réussi tout de même à la « shooter » à l’arrivée, accueilli par le grand Dominique Chauvelier et à recueillir ses premières impressions à chaud : C’est un circuit magnifique, mais ce fut l’enfer dans le paradis. Elle ne pouvait pas mieux résumer ce qu’elle avait enduré. Malgré la fatigue qui se lisait sur son visage, elle rayonnait. Et cela se diffusait autour. Comme tous ceux qui passaient  sous le porche d’arrivée de ce trail. L’idée d’abandonner avait traversé son esprit. Mais malgré la douleur et les problèmes liés à sa maladie, elle a tenu à terminer l’épreuve par respect pour ceux qui l’ont invités, pour tous les bénévoles et pour les autres traileurs qui étaient en situation de la faire et qui ne l’ont pas fait. Pour elle ce n’était pas ‘’seulement’’ une onzième place, mais surtout une victoire sur les évènements. Elle sait danser sous la pluie. En cela elle est grande.
Heureuse d'avoir terminé cette belle course
 La victoire aime l’effort. Cette sensation elle l’a partagée avec les autres athlètes de tout niveau. Il y avait de l’échange en ces lieux entre les générations de coureurs. C’était comme un commerce de vie.

Jasmin, Dominique Chauvelier, Vigiginie Govignon, Guy
Nous sommes dans le monde du sport et ici courir est un language. On court comme on est. Jasmin sait parler.
C’est Dame courage.
Texte et images  (Patrick Badie)
un grand merci à Gilles  Bertrand pour avoir organisé  ce Trail de toute beauté
"Je reviendrais"
1ère place par équipe pour le Team Europe féminin (Nuria Picas, Holly Rush, Magdalena  Laczak)

Le festival des Templiers ou le bonheur en stock.

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